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« Les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. »
C’est vrai aux États-Unis, mais faux au Québec. Aux États-Unis, de 1979 à 2007, le revenu moyen des 20 % des plus riches des familles a augmenté de 95 % après impôt et transferts gouvernementaux. Leur pouvoir d’achat a presque doublé. Au cours de la même période, le revenu disponible des 20 % des plus pauvres des ménages s’est accru de 16 %. Dans ce pays, l’enrichissement des riches en 28 ans a été énorme, tandis que le pouvoir d’achat des pauvres a progressé à pas de tortue. En 2007, le revenu disponible de la famille riche aux États-Unis équivalait à 11,2 fois celui de la famille pauvre.
L’évolution a été complètement différente au Québec. Chez nous, de 1976 à 2009, le pouvoir d’achat des 20 % des plus pauvres des ménages et celui des 20 % les plus riches ont progressé dans la même proportion, soit de 24 % tous les deux. En 2009, le revenu de la famille riche au Québec équivalait à 4,7 fois celui de la famille pauvre. Le même rapport qu’en 1976. Pendant ce temps, en Ontario, le rapport de revenu entre riches et pauvres avait grimpé à 5,9.
« En faisant augmenter le coût de la main-d’œuvre, la politique du salaire minimum décourage l’embauche des jeunes par les PME. »
La politique du salaire minimum cherche à concilier deux objectifs opposés. D’une part, il ne doit pas augmenter au point de décourager l’emploi et de répandre le chômage parmi les travailleurs du bas de l’échelle, dont la moitié sont des jeunes de 15 à 24 ans. D’autre part, il doit être assez élevé pour aider la personne pauvre qui travaille (et qui est souvent moins jeune) à se sortir de la pauvreté.
L’histoire nous a enseigné deux choses. D’abord, qu’établir le salaire minimum à un niveau aussi bas que 35 % du salaire moyen, comme c’est le cas aux États-Unis depuis 20 ans, ne découragerait pas l’embauche de travailleurs par les PME. Ensuite, que le ramener à 55 % du salaire moyen, comme on l’a fait au Québec dans les années 1970, créerait à l’inverse beaucoup de chômage, comme ce fut le cas à l’époque. (En passant, c’est la raison pour laquelle René Lévesque a gelé le salaire minimum pour quatre ans en 1981.)
Si le salaire minimum du Québec était présentement égal à 35 % du salaire moyen, il serait de 7,30 dollars l’heure. Ça n’engendrerait certainement pas de chômage. Si, à l’autre extrême, on le portait à 55 % du salaire moyen, il atteindrait 11,50 dollars. On assisterait tout aussi certainement à une importante baisse de l’emploi. En fixant le salaire minimum au niveau actuel de 9,65 dollars, soit à 46 % du salaire moyen, on a cherché à atteindre un juste milieu entre ces extrêmes. C’est un niveau qui amène le travailleur à temps plein au-dessus du seuil de pauvreté moyen du Québec tout en protégeant sa capacité à obtenir un emploi et à le conserver.
« Le Québec se dirige vers une pénurie généralisée de main-d’œuvre, parce que les jeunes qui entrent dans la vie active ne sont pas assez nombreux pour remplacer les baby-boomers qui partent à la retraite. »
La pénurie de main-d’œuvre appréhendée qui devrait résulter du vieillissement de la population n’a aucun fondement sérieux dans l’histoire. Si elle était fondée, on aurait dû observer une pénurie persistante de main-d’œuvre en Italie et au Japon depuis 40 ans, puisque le vieillissement de la population y a été plus important que dans tous les autres pays avancés au cours des quatre dernières décennies. Or, c’est le contraire qui s’est produit. La tendance à long terme du taux de chômage dans ces deux pays, plutôt que d’être à la baisse comme cela aurait dû être le cas dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, a été à la hausse depuis 40 ans.
Comment expliquer que le vieillissement n’entraîne pas de pénurie de main-d’œuvre ? Lorsque les jeunes qui arrivent dans la vie active sont moins nombreux que les aînés qui partent à la retraite, il y a bel et bien une diminution du nombre de travailleurs disponibles. En soi, on pourrait en conclure que cela tend à créer une pénurie de bras et de cerveaux. Mais il y a un autre aspect de la situation à prendre en considération. Comme il y a moins de gens au travail, il y a aussi moins de revenus en circulation et, par conséquent, une baisse des dépenses. Les entreprises produisent donc moins, de sorte que leurs besoins en main-d’œuvre se trouvent réduits. Autrement dit, le vieillissement entraîne non seulement une diminution du nombre de travailleurs disponibles, mais aussi une baisse (à peu près équivalente) du nombre de travailleurs demandés. Au final, point de pénurie due au vieillissement.
« Un plus grand nombre d’immigrants permettrait d’empêcher la population de vieillir. »
Dans son scénario de base actuel, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) prévoit que, si la tendance se maintient, la proportion des 65 ans et plus passera de 15 % de la population totale en 2011 à 26 % en 2031. Il est indéniable que l’immigration aide à ralentir ce phénomène de vieillissement de la population, puisque les immigrants internationaux qui arrivent au Québec sont relativement jeunes (plus de 90 % ont moins de 45 ans).
Le Québec pourrait amplifier cet effet de rajeunissement en accueillant plus d’immigrants. Malheureusement, les émographes ont depuis longtemps démontré que l’effet de l’immigration sur la composition par âge de la population est tout à fait marginal. Pour empêcher le poids des aînés d’augmenter comme le prévoit l’ISQ, le Québec devrait accueillir annuellement un nombre d’immigrants supérieur à 4 % de sa population totale. Cela voudrait dire au moins 320 000 par année, soit six fois les 52 000 enregistrés en 2009. Je n’ai besoin de convaincre personne que ce taux astronomique est économiquement, politiquement et socialement inconcevable. La conclusion coule de source : l’immigration ne peut empêcher la population de vieillir.
« Le revenu salarial des femmes est inférieur de plus de 20 % à celui des hommes, ce qui est révélateur de la discrimination exercée à leur endroit par les employeurs. »
En 2010, au Québec, les femmes salariées de 25 à 54 ans ont gagné en moyenne 738 dollars par semaine. C’est 21 % de moins que ce que les hommes salariés du même âge ont obtenu (931 dollars). L’une des raisons de ce phénomène est que les femmes travaillent moins d’heures que les hommes (bien qu’elles trouvent plus facilement un emploi). Mais sont-elles moins bien payées pour chaque heure travaillée ? Oui. En 2010, les femmes salariées à temps plein de 25 à 54 ans ont touché en moyenne 21,94 dollars l’heure, soit 11 % de moins que les 24,66 dollars obtenus par les hommes. L’écart de rémunération véritable entre les deux sexes a donc été de 11 %, pas de 21 %.
D’où provient cette différence ? Ne cherchez pas du côté de l’éducation. Comme les femmes sont maintenant plus scolarisées que les hommes, leur niveau d’éducation ne peut expliquer qu’elles soient moins bien payées. On peut déduire d’une recherche récente de Michael Baker (Université de Toronto) et Marie Drolet (Statistique Canada) qu’environ un quart des 11 % résulte de la forte concentration du travail féminin dans le secteur de la santé où, toutes choses égales d’ailleurs, les salaires sont relativement faibles. Le reste de l’écart (8 %) demeure « inexpliqué ». Je vous donne la permission d’appeler ça de la discrimination.
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